jeudi 21 novembre 2013

Vers la fin du fléau de l'écodélinquance ?

La justice au soutien du photovoltaïque contre l'écodélinquance (crédit : Collectif pour la confiance)
C'est la dernière en date : et si l'écotaxe n'était qu'une énorme arnaque montée par une obscure entreprise italienne au détriment de l'État et surtout des sociétés de transports ? La question mérite de se poser quand on s'arrête sur les termes du contrat : Ecomouv' récupérerait en effet 20 % des recettes générées par la taxe ! Un gain estimé à 3 milliards d'euros pour 13 ans d'exploitation, alors qu'en Allemagne, le pourcentage n'est que de 13 % ! Une affaire qui, si elle se confirmait, classerait l’écotaxe comme une nouvelle affaire d’écodélinquance, un phénomène récent qui a participé à l’effondrement du marché du photovoltaïque en France.

Il existe plusieurs définitions de l'écodélinquance, souvent en contradiction d'ailleurs ! Pour les uns, l’écodélinquance est le fait d’attenter à l’environnement (le greenwashing en est une dimension), qui tend plutôt vers ce qu’Arnaud Gossement appelle le droit de l’environnement, ou la « police verte ». Pour d’autres, comme le CNPT, l’écodélinquance correspond aux actes de dégradation commis par des écologistes au nom de leur combat pour l’environnement, ce qui est généralement qualifié d’écoterrorisme. Pour le monde du BTP, l’écodélinquance qualifie plutôt l’ensemble des arnaques et des escroqueries suscitées par l’intensification des réglementations environnementales, le développement des solutions d’économie d’énergies et leur subventionnement.

L'écologie, une aubaine pour les escrocs de tout poil !

On ne compte plus les arnaques au photovoltaïque. Quelle que soit la région, chaque quotidien local fait état toutes les semaines dans ses colonnes d’un nouveau cas de particuliers, abusés par de faux et cyniques installateurs de panneaux solaires, de pompes à chaleur ou d’éoliennes. Et l’imagination des escrocs est sans limites : absence de service après-vente, surfacturation, prestations incomplètes, publicité mensongère (du style « partenaire d’EDF », alors que cette société n’a aucun partenariat d’aucune sorte avec des installateurs de panneaux photovoltaïques), calculs de rendement délirants, matériel défectueux, etc. Un cas diffusé dans la presse en révèle bien souvent une dizaine d’autres en commentaires, comme sur cet article de la Charente Libre.

L’intensification des réglementations a entraîné une foule d’opportunités pour les entreprises honnêtes comme pour les arnaqueurs. Car si les particuliers qui choisissent de se lancer dans des travaux d’équipements d’économies d’énergie sont souvent bien au fait des enjeux écologiques, ils ne connaissent pas toutes les subtilités des réglementations. Et certains en profitent. Selon Jean-François Piller, du Groupement des Particuliers Producteurs d’Electricité Photovoltaïques (GPPEP) Nord-Est, 10 à 15 % des installateurs d’équipements d’économie d’énergie seraient frauduleux.

Les profiteurs de "l’a-formation"

La brèche vient évidemment du manque d’information des particuliers. Face à la lourdeur et la précision des réglementations, il est souvent difficile, quand on n’est pas un spécialiste, de trouver son chemin. Or, les escrocs ont souvent des méthodes pro-actives, via des démarchages téléphonique et physique, utilisant tablettes et autres outils informatiques pour simuler les calculs, apporter un semblant d’information ou l’illusion d’une pédagogie. La méthode est efficace, ciblant en particulier les personnes âgées ou les populations rurales.

À l’inverse, si les particuliers se tournent vers les premiers spécialistes venus, c’est que, bien souvent, les artisans locaux sont incapables de les informer directement. Quand on constate le semi-échec du programme FEEBat, on comprend mieux pourquoi : alors que ce dernier avait pour objectif la formation de 120 000 professionnels entre 2008 et 2012, il n’en a en réalité qualifié que 48 000. Cela se ressent d’autant plus dans le photovoltaïque, où, selon Sarah Van Heeswyck de la société Héliôme, il faut pouvoir disposer de la double compétence couvreur-électricien.

Les associations professionnelles comme les associations de consommateurs ont conscience de cette lacune. La CAPEB et la FFB ont d’ailleurs chacune mis en place une certification permettant de labelliser les artisans : Eco-artisans et les Pros de la performance énergétique. Les associations de consommateurs, comme l’UFC que Choisir, sont de plus en plus sensibles à l’écodélinquance, compte tenu du nombre de plaintes remontées chaque semaine. Enfin, des associations de particuliers défenseurs du photovoltaïque se constituent pour défendre les intérêts des particuliers. Citons en deux : le Groupement des Particuliers Producteurs d’Electricité Photovoltaïques (GPPEP), ou encore l’ADIGIP, une association de particuliers poursuivis par le Fisc sur la base de montages frauduleux réalisés par des entreprises peu scrupuleuses (les fameux Girardins industriels).

La fin de la naïveté

L’Etat a-t-il finalement sifflé la fin de la naïveté dans le domaine des équipements d’économie d’énergie pour les particuliers ? En arrêtant les subventions et les crédits d’impôt accordés aux particuliers, et dont profitaient les escrocs, il a naturellement tari l’intérêt de ces derniers pour l’écologie. De fait, l’écodélinquance se serait considérablement réduite selon les études de la DGCCRF, provoquant un assainissement du marché, éliminant les sociétés les plus faibles mais également les moins compétentes.

De même, les particuliers ont pris conscience des risques que pouvait entraîner une telle démarche. Ils cherchent à se renseigner de mieux en mieux, suivant les guides de bonne conduite, et sont moins sensibles aux argumentaires commerciaux. Les partenaires des ménages, et notamment les banques, sont sensibilisés à ces problèmes. Enfin, la formation des artisans locaux se poursuit, plus à même de répondre aux sollicitations et questions des particuliers de manière pédagogique (même s’il reste du travail dans ce domaine). De fait, il faut aussi savoir jeter un œil apaisé sur les exemples positifs et ne pas résumer le « business » écologique aux seuls fraudeurs qui ont néanmoins réussi, en quelques années, à jeter un discrédit durable sur toute la filière. Pour ces raisons, l’éradication du fléau de l’écodélinquance doit être une priorité.

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