mercredi 17 juin 2015

Economie du BTP : une résilience en demi-teinte

Le brouillard se lève... à certains endroits (source : lavieeco.com)

Le bilan de fin d’année 2014 avait déjà donné un aperçu de ce que serait l’année 2015 : une année contrastée, avec un volume d’activités en reprise légère pour le bâtiment mais toujours problématique pour les travaux publics. Certes, tout le monde s’accorde à dire que « l’alignement des astres » (baisse du prix du pétrole, politique monétaire accommodante de la BCE, baisse de l’Euro), sans oublier une politique économique beaucoup plus compréhensive à l’égard des entreprises, devraient permettre de recouvrer une vraie reprise pour l’économie française. Il convient néanmoins d’actualiser notre analyse concernant le BTP.

Une situation toujours contrastée

Comme le dit l’INSEE, au premier trimestre 2015, « l’emploi marchand augmente légèrement (+8 200, après -5 700 au trimestre précédent). Toutefois, sur un an, 18 400 postes ont été supprimés dans les secteurs principalement marchands (soit -0,1%). Pis, cette vue générale ne doit pas cacher des différences profondes entre différents secteurs. Pour faire court, la construction a connu une destruction de 10 900 postes au premier trimestre 2015 (et -12 900 au T4 2014), soit 48 300 postes sur un an (-3,5%).

Le recours à l’intérim, indicateur généralement avancé pour observer une fin de crise ou sa continuation, est toujours en baisse en avril 2015. Certes, la baisse est moins prononcée que ces derniers mois. Mais le BTP est le seul secteur où le recours à l’emploi intérimaire demeure en forte baisse.

Pourtant, les prévisions actualisées de la FFB semblent optimistes. Au moins les autorisations de mises en chantier ne chutent plus. Quant à la reprise sur le marché des travaux d’amélioration-entretien, il est nécessaire de l’accompagner, notamment via des simplifications nécessaires et le maintien des aides publiques. Ainsi, la rénovation énergétique résiste au marasme, grâce au diptyque vieillissement des logements et aides publiques. Toutefois, celles-ci sont couplées à la réalisation des travaux par des entreprises qualifiées RGE (malgré ses limites).

Inversement, la CAPEB adopte un discours à l’image de la réalité : difficile. Ainsi, l’activité de l’artisanat marque encore un recul de -3% au 1er trimestre 2015 par rapport au T4 2014. Plus précisément, « cette dégradation s’explique, comme au trimestre précédent, par une chute de 6% de la construction neuve (après 6,5% au 4ème trimestre 2014) et par la baisse modérée  de l’activité d’entretien-amélioration avec -1%. Malheureusement, le retour de croissance des travaux de performance énergétique qui affichent une hausse d’activité de +0,5% (après deux trimestres en recul) ne suffit pas à redynamiser l’activité d’entretien-rénovation ». La trésorerie des entreprises est donc particulièrement tendue.

Un constat partout identique

Quelles que soient les régions, il faut reconnaître une légère amélioration de la situation économique… sauf pour le BTP. Et au sein du secteur, il y a une vraie différence entre le bâtiment et les travaux publics. De même, au sein du bâtiment, la rénovation se porte bien mieux que la construction neuve.

Le constat est le même partout : dans les Vosges, en Corse, en Guyane, en Haute-Savoie ou encore en Vendée où la lettre d’un menuisier au président de la République a fait la Une des médias.



La dernière étude Euler Hermes est venue confirmer – s’il le fallait – le manque de débouchés que connaissent les entreprises du BTP. Pour 39% des entreprises interrogées, il est l’obstacle le plus important, suivi par les pressions pour baisser les prix. Devant ce constat, pas étonnant que seulement 21% des entreprises du secteur envisagent d’investir.

Et l’investissement n’est plus là pour relancer la machine, notamment pour les travaux publics. Ainsi, l’Association des maires de France a quantifié l’effet de la réduction des dotations aux collectivités locales. Pas de mystère : la baisse de 1,5 milliard d’euros de 2014 a provoqué une baisse de 14% de l’investissement des communes et de 7% des intercommunalités.

Ainsi, la fédération nationale ne peut que constater les dégâts : la chute est de 11,7% en euros courants par rapport à la même période en 2014 ! « Le recul est également marqué pour les marchés conclus, qui se contractent de 12,8% par rapport à avril 2014 et de 17,1% depuis le début de l’année ». Le secteur est clairement sinistré et personne n’en voit la fin, ce qui ne veut pas dire que les pistes de sortie n’existent pas. Cela nécessite coordination, définition des priorités et décisions courageuses.

Le CICE, cette escroquerie

La politique économique gouvernementale nous réserve des surprises, dont on peine à savoir s’il faut en rire ou en pleurer. Le crédit d’impôt pour l’emploi et la compétitivité, le fameux CICE), en est une. Celui-ci a représenté 8,7 milliards d’euros sur l’année 2014. Très bien pour les entreprises dirons-nous ? Et bien non. Le taux de marge des entreprises françaises (ou excédent brut d’exploitation) a atteint 29,7 % de la valeur ajoutée en 2014… contre 29,8 % en 2013.

Plus grave, en citant la Direction générale des Finances publiques, les bénéficiaires n’en font en aucun cas une utilisation pour l’emploi ou la compétitivité ! En effet, le CICE est réparti de la manière suivante : 10,9% seulement pour les microentreprises, 31% pour les PME, 22,5% pour les ETI et 35,2% pour les grands groupes. Avec en tête La Poste… En 2013, l’entreprise a reçu 297 millions d’euros, 352 millions d’euros en 2014 et devrait recevoir 341 millions en 2015. Cherchez l’erreur… D’une part, en rien son activité n’est orientée vers la production comme peut l’être l’industrie ou le BTP. D’autre part, elle est peu soumise aux aléas de la concurrence internationale. Pour finir, ses effectifs ont fondu de près de 7 000 personnes entre 2013 et 2014 ?!

La note de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP) est éloquente à ce sujet. On peut ne pas être d’accord sur l’analyse et les conclusions, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le CICE n’est qu’une « tartufferie ». Alors qu’il serait nettement plus efficace de renforcer l’apprentissage, c’est-à-dire d’aider directement les artisans et PME dans le secteur productif.


La situation est donc tendue mais le fatalisme ne peut être la solution. A chaque crise, des solutions nouvelles apparaissent, des énergies se regroupent. En clair, du besoin naît l’innovation. Des signaux positifs pointent. Ainsi, selon l’Unédic, le chômage baissera au second semestre 2015 et en 2016, même si la baisse sera limitée et en trompe l’œil, avec un bond des personnes en activités réduites. Bref, des emplois précaires ou aidés. Mais des emplois quand même. On garde le moral comme on peut.


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Pour compléter

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