vendredi 2 juin 2017

Si, en plus, son père était plâtrier…

Un ami qui vous veut du bien (source : Libé)

Richard Ferrand est connu du grand public. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques semaines. Pas de loi à son nom, de négociation pour sortir d’une crise qui l’aurait mis sur le devant de la scène… Rien de tout ça. Seulement une énième affaire politico-médiatique, cette fois de favoritisme dans le cadre d’un investissement immobilier.

Un modeste article sur ce blog le concernant est donc légitime. Pas sur cette affaire mais parce qu’en tant que ministre de la Cohésion des territoires, il a la haute main sur les problématiques qui nous intéressent. Deux conditions toutefois, pour qu’il le reste :
  • La première concerne la justice, pouvant remettre en cause sa nomination. En effet, la circulaire du premier ministre, en date du 24 mai 2017 et relative à une méthode de travail gouvernemental exemplaire, collégiale et efficace, est explicite sur ce point. Une mise en examen signifie la démission.

Une grande gueule, franc du collier, pas idéaliste
Pour résumer…
     
Nom : Ferrand.
Prénom : Richard.
Age : 54 ans.
Qualité : avoir vu très tôt tout le potentiel d’un jeunot, novice en politique, un certain Emmanuel Macron.
Récompense : être nommé ministre de la Cohésion des territoires, après avoir eu la haute main sur la fusée En Marche ! Il est, en effet, secrétaire général du mouvement depuis octobre 2016.

Richard Ferrand est loin d’être un apprenti en politique. Encarté au PS depuis ses 18 ans, il est député du Finistère depuis 2012 et également conseiller régional de Bretagne depuis 2010. Il a également été conseiller général du Finistère durant 13 ans, de 1998 à 2011. Toutefois, il est peu connu du grand public, jusqu’à sa nomination comme ministre mais surtout depuis l’éclatement de son affaire de favoritisme.

Très sûr de lui, qualifié de « grande gueule », « il fait ce qu’il veut, dit ce qu’il veut, toujours un bon mot à la bouche, qu’il débite à la vitesse où il enchaîne les cigarettes. Il tweete aussi, comme il parle, sans fard ni pincettes ».

« Pas vraiment sympathique » pour certains, « grand professeur de morale politique » et « donneur de leçon » pour d’autres, « c’est un homme qui a bien voyagé sur l’échiquier… » et qui « manque de constance », selon la députée européenne (PS) Isabelle Thomas. Et de rajouter : « son appétit pour le pouvoir est sans limite. On pourrait presque parler d’avidité ».

Richard Ferrand a en effet un parcours politique sinueux au sein du PS : « mitterrandien, emmanuelliste, il a ensuite soutenu Martine Aubry à la primaire de 2011 avant de flirter avec les frondeurs ». Encarté durant 37 ans, il n’aurait néanmoins jamais mis les pieds au siège, rue de Solférino.

Finalement, bon nombre le considèrent comme un député inclassable. Rapporteur général de la loi Macron, les deux hommes ont appris à se côtoyer, se jauger, s’apprécier. Emmanuel Macron, a dorénavant une confiance absolue en lui. « Couteau suisse du candidat », organisateur du mouvement, il est bien plus que le simple secrétaire d’En Marche ! Il est également le confident. Un esprit libre et lucide comme le nouveau président, qui ne s’enferme pas dans l’entre-soi, parle avec tout le monde. Une bonne chose pour un ministère comme le sien.

Un travail parlementaire en lien avec sa future fonction

Autant dire que l’activité législative du député a été soutenue durant ces cinq années de mandat. Parmi les 1 500 questions posées au gouvernement, quatre concernaient le logement, montrant là son appétence pour la problématique, notamment les questions sociales.
  • Celle du 30 septembre 2014 concerne la sous dotation de crédits de l’Agence nationale de l’habitat. Ce à quoi le gouvernement répond que les crédits de l’ANAH sont en augmentation sur 2013-2014 et que le niveau serait constant pour 2015-2017. 
Richard Ferrand est également l’auteur d’un rapport, en juin 2013, sur le travail détaché, au sein de la commission des affaires sociales. Mettant l’accent sur le dumping social et une directive européenne largement inadaptée et massivement contournée, il propose diverses solutions qui seront, par la suite, reprise dans la loi Macron. Voire même dès janvier 2014 quand il propose, avec d’autres députés, une loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance, et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.

Pour finir, Richard Ferrand propose, également avec d’autres, en novembre 2013, une résolution pour la promotion d’une politique d’égalité des territoires. Une manière diplomatique de faire prendre conscience, au niveau du gouvernement, de la nécessité de s’occuper de cette problématique.

Ainsi, le député Ferrand connaît bien différents sujets chauds de son ministère, à l’image du travail détaché : un bon point pour les organisations syndicales et patronales du secteur, alors que la France fait le forcing au niveau européen pour faire bouger les choses. 

Plus de ministère en nom propre : une transgression salutaire ? 

Au-delà du ministre nommé, une des interrogations porte sur le périmètre du ministère, des prérogatives. La France et les Français aiment beaucoup l’étiquette. Le paraître, le formalisme sont foncièrement ancrés dans notre vie politique et professionnelle. Aussi, lorsque le ministère de la Cohésion des territoires est annoncé, beaucoup crient au scandale. Les anciens ministres du Logement bien sûr, mais les professionnels également.

Etre reçu dans un ministère « en propre », avec un « vrai » ministre, cela veut dire qu’on en impose, qu’on est important. Mais pour faire quoi ? Les « succès » de la politique du logement ces dernières années laissent songeurs. L’idéologie n’a jamais eu des résultats extraordinaires dans un secteur très cartésien comme peut l’être le BTP. De plus, le poids politique du (de la) ministre a également été un sujet de débat ces dernières années, posant la question de la centralité du logement en France.

Toutefois, il est de bonne guerre que les organisations représentatives du secteur soient vent debout contre cette absence d’un « vrai » ministère du Logement, synonyme d’un manque d’ambition et de vision du nouveau chef de l’Etat.

Mais cela reste de l’affichage, une défense catégorielle et de courte vue. En effet, comme le note avec lucidité Jacques Chanut, patron de la FFB, Richard Ferrand est un pilier de l’équipe Macron et le vaste ministère lui donne une certaine latitude pour repenser le territoire de manière unitaire. Surtout, le nouveau ministre a bien compris, concernant le BTP, que la dynamique est robuste – après les errements du passé – et qu’il n’y a pas lieu de légiférer davantage. Soutenir la dynamique en cours tout en la simplifiant : voilà pour le cap.

Alain Dinin, PDG du Groupe Nexity, loue également le pragmatisme dans la création de ce ministère à large spectre, chapeauté par une personnalité d’envergure. La France est diverse (territoires, populations…) et cette hétérogénéité des situations induit une logique de cohésion que peut impulser Richard Ferrand.

En effet, le nouveau ministère regroupe des prérogatives jusque-là éparpillées : le logement, la ville, l’aménagement du territoire, la ruralité et les collectivités territoriales. L’objectif est donc de réconcilier les Frances : celle urbaine, celle rurale et celle périurbaine.

Bref, Richard « Superman » Ferrand a du pain sur la planche, dans une France où la défiance règne : « à lui de dialoguer avec les collectivités locales, de réparer les fractures territoriales dans les banlieues, d’arrêter l’hémorragie des centres villes en voie de désertification, d’éviter l’étalement urbain, d’encourager la construction dans les zones où la demande de logements est soutenue, de prévoir la rénovation énergétique des passoires thermiques, et de fournir un toit à ceux qui n’en ont pas... »

Si la justice et les électeurs lui en donnent le temps... 


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